Agenda du vendredi 27 novembre 2009

Nous ne sommes pas à Saint-Tropez mais c’est mieux encore. Pas de paillette autour, mais des déclinaisons royales de jaune, de doré, de brillant... dans les verres. Pas de Byblos mais la douceur tranquille de la belle salle à manger de Patrick, l’hôte de ces lieux. Et pas de stars bling bling, mais deux charmants messieurs, Chenin et Sauvignon qui vont s’alterner pour nous régaler. Pas vraiment un duel entre ces deux célébrités, mais plutôt un grand bal cérémonieux et féerique.

Ce vignoble du Val de Loire, d’une superficie de 70 000 hectares, regroupe en fait plusieurs régions viticoles. Il produit des vins blancs secs, demi-secs, moelleux, ainsi que des vins rouges légers et… quelques rosés. Cette immense étendue est délimitée en 6 zones de production et 68 appellations. Certaines sont très connues (Sancerre, Pouilly-fumé, Vouvray, Muscadet…) et d’autres gagnent à l’être.

Ces deux cépages, que Lionel a choisi de nous faire redécouvrir ce soir, sont déclinés en différentes possibilités. L’éventail s’ouvre largement sur des mélanges, des régions et des âges qui vont nous permettre d’apprécier les qualités de ces deux blancs. Monsieur Chenin n’a pas une réputation aussi noble que les autres cépages blancs. Cependant, nos papilles et nos narines en penseront autrement. En contrepartie, Monsieur Sauvignon entre généralement dans la composition des nombreux vins qui évoluent beaucoup. Jeunes, ils libèrent des arômes caractéristiques de genêt, de buis, de bourgeon de cassis mais aussi de pamplemousse. Au fil des années, ils cheminent vers des vins de plus en plus intéressants.

1) Dans le vif du sujet et, pour rester fidèles aux habitudes, la bouteille cachée (et "hors sujet") est proposée à l’apéritif… Du rose qui nous surprend tous, mais surtout des bulles… Serge est en mutation ! On trouve le vin vif, avec une effervescence fine et peu envahissante. Cherchant le Champagne, le pinot ne se reconnaît pas. Et pourtant si. C’est un Crémant de Bourgogne, jugé parfait pour ce petit apéritif.

2) 1er vin, 1er met. Une « Verrine de chou, gingembre et pistaches » (de la Corbeille d’Orient… pas d’erreur Pierre ?) accompagnée d’un Menetou Salon… « Domaine Philippe Gilbert 2007 ». Ce jeune Sauvignon traditionnel de la région de Centre Loire, élevé par la famille, est vendangé manuellement ; c’est important. Il fait preuve d’un certain caractère, vigoureux au possible. L’attaque est franche, elle surprend mais n’agresse pas. Vif et gaillard, il éclate tant par son allure que par sa prestance dans la bouche. Il sent bon les fleurs blanches et même, en y laissant traîner le nez, on y perçoit de la poire. Un vrai romantique, ce Menetou ! S’attardant dans la bouche, il s’équilibre entre le fruit acidulé, la fraîcheur et la minéralité. L’accord est parfait sur la verrine... et le gingembre fait son effet.

3) Chenin se pointe ensuite, accompagné de « Tagliatelles de courgettes en mousse de Chavignol ». Superbe, régalant. Un Vouvray, imposant. « Vouvray sec Clos Naudin Philippe Foreau 2007 ». Plus gras, plus rond, d’un jaune plus foncé. Lui, fleure bon la mirabelle et le coing confit. Il est long ; se livre plus tard que son jeune ami précédent, qui du coup nous paraît plus fougueux. Celui-ci présente l’assurance d’une force tranquille… un vrai plaisir. Lionel ne regrette pas leur alignement sur la ligne de départ. Ainsi, la différence est plus flagrante. Incertitude et difficulté de choisir entre les deux, s’il avait fallut le faire… le fougueux, le serein ?

4) Le troisième personnage nous aidera peut être à le faire. Nous nous retournons sur un Sauvignon, cependant très différent. Alphonse Mellot présente sa « Demoiselle 2008 ». Il s’exprime sur le pamplemousse, de façon intense. Il est violent, court, et reste fermé et droit en bouche. JP le trouve raide (…) ! De l’avis de tous, il lui faudrait quelques années de garde pour le paufiner ! C’est certain, dans 10 ans il se sera assoupli un peu. Servi avec un tartare de thon, l’accord fonctionne. Il lui faut cela : un bon poisson bien marqué, jusqu’au filet de hareng qui tiendrait bien la distance. Gaillards, les Sauvignons !

5) Gardant le plat pour tester l’accord, Monsieur Pouilly fait son entrée. Toujours en Sauvignon, et alors que, sur le précédent, le thon s’effaçait un peu, ici il se majore, et les petites graines de coriandre sont valorisées. Même s’il semble un peu réduit au départ, ce « Pouilly-Fumé Les cris 2006 » est beaucoup plus complexe, plus gras. Son habit lumineux, doré et limpide témoigne de ses quelques années supplémentaires de maturité. Son joli nez a su garder les belles traces de sa jeunesse ; il est complexe et fin, avec quelques notes d’épices qui l’agrémentent bien. Sa bouche souple et ronde complète cette belle harmonie. Lentement, il s’équilibre dans la notre et vient délicatement sur une longue finale. Celui-ci a fait l'unanimité !

6) Pour ne pas se lasser, Lionel nous ramène sur le Chenin. Cette fois-ci, nous circulons en Touraine, en dégustant un « Saumur Domaine Giberteau 2006 ». Bien que nous retrouvions toujours la même complexité, celui-ci est rigolo. Il gambade joyeusement dans les vignes, armé d’un bouquet voluptueux de pêches et de poires. Même si l’attaque est vive, il s’éveille doucement et reste longtemps à titiller les papilles. L’accord fonctionne à merveille sur la « Grenade en filets, allongée sur un lit de carottes et épices ». La séduction est totale.

7) Le vin suivant, un « Anjou Château de Fesles 2002 », ne me laissera pas un grand souvenir. Certains sont comme cela… ils passent et on les oublie. Peu de traces écrites, une fiche capturée par Pierre et Pfouit… Curieux volatile !

8) En cuisine, on s’affaire. Le plat suivant se prépare lentement. Plaisirs… Jean Phi râpe la truffe, les filles truandent les miettes tombées de l’outil. L’hiver devient bonheur pour humer enfin cette chose laide mais si délicieuse et oh combien parfumée ! Les Saint-Jacques rôties et coiffées de la fine effeuillée seront servies, sur une purée de panets (légume oublié... à tort). Avec ça, un vieux Pouilly fumé, un « Michel Redde cuvée Majorum 2000 » glisse lentement dans les verres. Son premier nez, trop exubérant, écrase la truffe (c'est dire !). Il séduit malgré tout par sa souplesse et son harmonie soignée. Riche en arômes, il finit longuement.

9) Gardons l’accord pour tester son confrère, vieux et sage lui aussi. Pas encore un retraité, mais à consommer librement. Mûr et délicat à la fois. Les vieux sont plus posés. Un vieux Chenin, « Château d’Epiré 1996 », belle année. Le garçon est évolué, il offre de belles fleurs odorantes avec des nuances de sous-bois et de miel sucré. Un certain style, pour une finale douce et tendue.

10) Sur les fromages, un « Chèvre de Sancerre » et un « Crottin de Chavignol », Lio propose un vieux Sauvignon, déniché par Karine : « Sancerre Domaine Fouassier Les Chasseignes 2000 ». Immédiatement, nous pensons à un vieux Chablis, car il a un petit côté brioché qui nous rappelle les bons souvenirs du chardonnay. Certainement un bon vin de joutes, sans doute ! L’accord sur les fromages est fabuleux.

11) Pour commencer la fin, sur un dessert glacé (quelques boules délicieuses de sorbets fruités... faits maison s'il vous plait), nous testons un Sancerre visiblement destiné à la garde : « Les Monts Damnés 2008 ». Il est servi carafé car il est très jeune et vigoureux. Néanmoins, sa longueur est impressionnante. Surprenant pour son jeune âge, il est très bien fait ; son nez n’est pas encore très élaboré, mais on imagine un corps qui se formera de manière remarquable, tant sa longueur est grande. Il faudra lui laisser du temps pour qu’il puisse s’exprimer et se développer. Son avenir est prometteur.

12) Serge nous offre alors un beau cadeau : un liquoreux de 1986, « Coteaux du Layon », grand cru de Chaumes. C’est un grand vin de garde, il est épais, onctueux et velouté. La bouche est fondue à souhait.

13) Avant de se quitter, on ouvre la dernière ("hors sujet", comme il se doit). Celle-ci est cachée, mais nous partons vite au sud. Du rouge dans les verres, ou plutôt de la tuile dorée, baignée de soleil. Nous sommes vers Maury ou Banyuls, sans hésitation. Un vieux grenache, très vieux, même… Mais il a su entretenir ses meilleurs atouts. Sage, drôle et expressif, tout en douceur, chaleureux… il n’agresse pas mais enrobe plutôt à merveille les palets de chocolat du Venezuela, ramenés du... Savim. Il a été mis en bouteille cette année, mais il est né en … 1929 ! En avait-on déjà goûté de si vieux ? Ce « Maury Domaine Pra Del Fount » nous en a conté de belles !

Petite touche finale : je n’aurai qu’un seul mot : « Bravo » !

Les hommes, vous avez sublimé la soirée et envouté tous nos sens ! Merci à IVV pour ces ambiances joyeuses et toutes ces belles soirées qui finissent trop vite et à Patrick qui nous a ouvert son temple chaleureux…

Merci surtout à Lionel, véritable chef d’orchestre talentueux !

Iza

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